À bout de souffle, la mobilité urbaine moderne ne répond plus aux enjeux de développement des villes ni aux besoins des citadins. Elle doit, aujourd’hui, se réinventer. L’enjeu est lourd, il s’agit de préserver le tissu économique et social urbain et d’éviter le chaos.
En 2008, plus de la moitié de la population vivait en milieu urbain. Cette réalité constitue une grande première dans l’histoire de notre civilisation (1).
Selon les projections de l’ONU, la moitié des Asiatiques vivront dans les villes en 2020 (1) et le nombre de Mégacities (+10M d’habitants) passera de 28 à 41 en 2030 (2).
La quasi-totalité de la croissance démographique attendue se concentrera dans les aires urbaines des pays en voie de développement. La population de ces dernières, qui représentait 2,7 milliards de personnes en 2011, devrait presque doubler d’ici à 2050 (1). La part de la population urbaine des pays émergents rejoignant ainsi celle des pays développés qui se situe entre 70 et 90 % de la population (3).
Face à cette urbanisation (et périurbanisation) explosive, la mobilité urbaine doit en grande partie se réinventer pour éviter le chaos. Elle se trouve aujourd’hui au confluent de 4 enjeux majeurs.
Premièrement, la ville doit faire face à un défi environnemental lourd lié à la pollution et à l’émission de gaz à effet de serre. Ce défi, qui dépasse les enjeux urbains conditionne en grande partie la qualité de vie (en particulier sanitaire) des citadins. L’exemple bien connu de certaines grandes villes chinoises ou indiennes en est la preuve.
Le deuxième enjeu, lié au premier, est un enjeu d’urbanisme, dont la maîtrise permet de garder à la ville son humanité. Une approche raisonnée de l’urbanisme est déterminante pour faire face aux problèmes de congestion.
Le troisième enjeu est lié à la capacité d’adaptation des systèmes urbains existants. Il faut organiser la cohabitation et la coordination entre les structures existantes et les nouvelles offres de mobilité. Cela bouscule des modes de fonctionnement établis, tant chez les opérateurs qu’au sein de la puissance publique (l’exemple des remous provoqués par l’arrivée des VTC dans de nombreuses villes est une parfaite illustration de ce défi).
Enfin, quatrième enjeu, cette mutation doit s’inscrire dans un contexte socio-économique financièrement contraint : baisse du pouvoir d’achat des ménages dans certains pays développés ou pauvreté des nouveaux arrivants issus du monde rural dans les pays en voie de développement.
Il est édifiant de constater que ces quatre défis sont les parfaits révélateurs des difficultés structurelles des systèmes existants : pouvoirs publics mal adaptés à leur nouvel environnement (manque de coordination, rigidités, existence potentielle de rivalités entre opérateurs publics, mille-feuille des AO en France…), manque de volontarisme – en particulier politique –, difficulté à faire face à de nouvelles contraintes règlementaires (normes environnementales, de restrictions de circulation), conjoncture défavorable qui pénalise l’investissement sur un marché très concurrentiel.
Parallèlement à ces enjeux, de nouvelles attentes émergent chez les citadins. Ces attentes sont liées à l’évolution des rythmes urbains dans les pays développés. Ainsi, face au développement des modes de travail en désynchronisé, l’accès à une mobilité 24/7 devient incontournable, dans une ville qui ne s’arrête jamais. Pour ce qui est des pays en développement, la priorité reste plus prosaïque. Il s’agit de proposer aux citadins la mobilité la plus fluide possible et d’irriguer tous les quartiers de villes souvent tentaculaires.
Malgré des différences liées à l’environnement, il est néanmoins intéressant de constater que les attentes de base des citoyens restent les mêmes : toujours plus de services à un coût toujours plus réduit. Lorsque cela n’est pas respecté, le tissu urbain perd sa cohérence géographique, économique et sociale.
Jean-Bernard Girault et Laurent Kalfon
(1) Source : notre-planete.info, « L’accroissement de la population et l’exode rural «
(2) UNO, World Urbanisation Prospect, 2014
(3) World Bank, 2012